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dimanche 27 septembre 2015

UNE ECONOMIE POUR ET AUTOUR DE LA VITICULTURE


     L'économie viticole constituait l'essentiel des revenus  de la population saint nazairienne.

    Comme dans l'ensemble du Languedoc, la vigne s'est étendue à partir du milieu du XIX° siècle, remplaçant la culture céréalière. Une activité fortement rémunératrice et en plein essor, la preuve en ait qu'au début du XX° siècle l'hectare de vigne est 65 % plus cher que l'hectare céréalier(1). D'où la forte proportion de ''propriétaires'' et de ''cultivateurs'' dans la population, les plus importants ont des ''domestiques'' c'est à dire des ouvriers agricoles.

    Certaines activités sont directement liées au travail de la vigne. Ainsi, on compte deux maréchaux ferrant (Louis COULEUR, Joseph VIILEBRUN), qui s'occupaient des chevaux de traie, aiguisaient ''pioches'' , ''bigos'' et autres outils agricoles, mais pouvaient également accomplir des ouvrages de ferronnerie. Un distillateur,  pour la production de l'eau de vie (André TABARIE).

Extrait de facture, archives privées Famille F. Bouissiere




Devant l'atelier de Joseph VILLEBRUN, archives privées Famille G. Villebrun



Archives privées Mr J.M. Chauvet


   On compte peut-être plusieurs cafés, mais dirait-on à l'époque des débits de boissons. Un cafetier et son épouse  Théophile MAS et Sylvie MARTY. Par cafetier il faut entendre textuellement qui vend du café. Également un limonadier (Frédéric CARRIERE). Autrefois les limonadiers étaient des fabricants et par extension des vendeurs de limonade, mais cette corporation avait eu précédemment le droit de distiller des alcools.

    Un receveur buraliste (Louis RAYNAL), à l'époque un emploi déjà réservé aux anciens combattants ou victimes de la guerre de 1870. Il vendait du tabac, monopole d’État, et percevait les taxes sur les alcools et leur transport.

    Pour les besoins de la population, trois épiciers (François GASC, Emile ASTRUC, Antoine AIN), deux boulangers (Martin VIEU, François CHAPPERT), deux bouchers (Victor JOUGLA, Antoine SABATIER). Tous épaulés par leurs épouses pour tenir la boutique.

    Il fallait aussi se chausser et s'habiller, d'où la présence de trois cordonniers (Jean CAZALS, Médard MAZURKI, François BRU) et plusieurs ateliers de couture réunissant six couturières.

    Deux maçons (Joseph PISTRE, Emilien GUIRAUD) et un menuisier (Joseph RECOULES) s'activent pour tout ce qui est caves et maisons.

    La carrière de marbre est alors en activité puisque l'on trouve trois ''marbriers'' (Pierre FAGES, Felix LIBES, Servin LIBES).

    Saint Nazaire est déjà relié à l'extérieur par le télégraphe dont  Alice GASC a la charge.

    Les actes de successions et autres sont signés sur place dans l'office du notaire Jean SALASC.(2)

   Durant les années qui précèdent la guerre la viticulture reste encore un peu malade après deux crises majeures, celle du phylloxera qui décime le vignoble entre 1870 et 1890, puis celle de la mévente du vin qui aboutit à la révolte du Midi en 1907.

    Une crise à la fois agricole, économique et commerciale. Elle coïncide avec la loi de 1903 qui détaxe le sucre et permet un développement de la chaptalisation, interdite dans le Midi. Pour les viticulteurs du Midi qui enregistraient une diminution du prix de leur vin depuis 1900 cette loi est inacceptable, et les betteraviers du Nord sont leurs boucs émissaires.(3)

    L'hectolitre de vin passe de 20 à 12 francs en 1900 et jusqu'à 5 francs en 1903 alors que la production diminue. Ce déclin passe par une grève des journaliers en 1903 et en 1905. Des comités de défense viticole s'organisent dans les villages, qui vont aboutir aux grandes manifestations de mai et juin 1907.
     Ceux sont les « creban de fam », les « bourses plates » qui défilent derrière leurs leaders dont le plus charismatique est Marcelin Albert. Les viticulteurs du Midi défendent leur production aux cris de « Morts aux fraudeurs ! », « Justice pour le vin ! » ou « Vive le vin naturel ! ».
    Face à un mouvement qui se transforme dans certains cas en émeutes, Clemenceau tente d'y mettre fin en envoyant des régiments ; dont le 17eme de Béziers, occuper les départements languedociens.  Au soir du 20 juin le 17eme de Béziers se mutine. Composé des enfants de viticulteurs du Biterrois, il refuse de tirer sur les manifestants, c'est à dire leurs propres familles. Les Héraultais et plus précisément les Biterrois cantonnent à la caserne Saint Jacques de Béziers.

 Caserne St Jacques, Archives privées Mme M. Molina
 
 Extrait du blog  A la découverte de l'Aude et escapades en Ariège.

   Il reste à reconstituer ces événements à partir de Saint Nazaire de Ladarez. Comment nos viticulteurs ont-ils pris part aux grandes manifestations ? Le conseil municipal a-t-il démissionné comme dans les autres 442 communes ? Dans tous les cas le village est concerné. En effet parmi les 589 mutins, Rémy Pech (4) relève deux enfants du village : Philippe Louis Villebrun et Jean Joseph Oustry
    Les mutins du 17eme de Béziers reçoivent comme sanction un éloignement temporaire de leur terre et de leur famille, ce à quoi ils tenaient le plus. Ainsi ils sont déportés à Gafsa dans le désert tunisien pendant plusieurs mois.




Le camp de Gafsa, Archives privées Mme M. Molina


   Nous retrouvons nos deux mutins dans les registres de matricules militaires : Jean Joseph OUSTRY avait débuté son service militaire le 9 août 1905. Le registre mentionne une campagne en Tunisie ; c'est à dire déportation à Gafsa, du 26 juin 1907 au 20 mai 1908, à savoir 11 mois. Il est mobilisé le 4 août 1914. Porté disparu à la bataille de Verdun entre la cote 304 et le Mort homme le 21 mai 1916 et déclaré mort pour la France par un acte officiel du 13 octobre 1920.
Quant à Philippe Louis VILLEBRUN, il est affecté au 17eme Régiment d'Infanterie de Béziers le 7 octobre 1908  et déporté à Gafsa du 26 juin 1907 au 20 mai 1908. Il est mobilisé le 1er août 1914, « Tué à l'ennemi » le 20 décembre 1914 à Malancourt au nord ouest de Verdun.
Ainsi  la guerre vient interrompre ces deux parcours, qui montrent combien nos soldats étaient attachés à leur terre natale et à ce qui la faisait vivre c'est à dire la viticulture.

  L'économie du village se poursuit pendant la guerre. Sans les hommes partis au front, les femmes prennent la tête des exploitations. Contre toute attente la production et le prix du vin repartent à la hausse, c'est la demande des armées qui relance le marché. Ce sont des millions d'hectolitres qui vont compléter la ration journalière des hommes de troupe, pour leur donner le courage d'affronter les rudes conditions de la guerre des tranchées.

1, 3 et 4. Rémy PECH et Jules MAURIN, 1907, Les mutins de la République, La révolte du Midi viticole. Edit. Privat, 2007. 2. D'après le recensement de population de 1911. 

Par Kareen BOUISSIERE BOULLE

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